Faire adhérer les collaborateurs à la transformation Agile de l'entreprise : l'indispensable approche Bottom - Up

publié le 19/03/2020

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La transformation digitale est devenue un passage obligé pour presque toutes les entreprises depuis 10 ans. Dans le secteur du commerce et des services, banques & assurances au premier chef, elle se décline majoritairement par la mise en œuvre de l’Agilité. Vantée comme une véritable panacée améliorant le time to market, amenant flexibilité et réactivité aux process de production et de développement informatique, développant la management visuel et remettant l’utilisateur ou le client au centre des préoccupations, tout lui semble favorable sur le papier. Mais qu’en est-il sur le terrain ? Comment cette transformation est-elle perçue par ceux qu’elle touche directement, les salariés ? Et surtout, quelle recette appliquer pour les satisfaire tout en remplissant l’objectif de travailler mieux ensemble ?

Les périodes de transformation mettent les relations de travail et les habitudes des collaborateurs à l’épreuve. Il est question bien souvent de réorganisation de l’espace, d’implémentation de nouveaux processus, de redéploiement des compétences, mais aussi de modifications dans la chaine de management opérationnel. Sans compter qu’il faut parfois ré-apprendre à travailler avec une méthodologie différente de celle que les collaborateurs se sont vus demandés d’appliquer depuis des années. Cela est d’autant plus vrai dans le cas d’une transformation Agile, où l’ensemble de ces champs sont modifiés dans un laps de temps remarquablement court. Notre expérience nous a montré qu’il faut aborder ces changements en associant fortement les collaborateurs pour co-construire avec eux l’évolution des outils, l’évolution de l’organisation, et l’évolution du management. C’est par l’écoute de ceux qui appliquent et connaissent par cœur leur métier, qui savent où se situent les goulots d’étranglement dans la chaine des processus et qui ont très souvent des idées très concrètes pour apporter des améliorations notables, que vous trouverez l’amorçage pour lancer une transformation portée en interne.

 

Développer pas à pas une culture d’entreprise Agile et surmonter la résistance des managers

Rappelons que l’agilité se définit comme une culture soutenue par des valeurs et des principes permettant d’être performant dans un environnement complexe. Elle n’est ni une méthode, ni un processus, ni un produit. Elle est une culture pouvant se résumer en quatre verbes : livrer, communiquer, réfléchir, s’améliorer. Pour qu’elle puisse permettre à une organisation d’atteindre ses objectifs, il est primordial que la culture de cette société ne soit pas un obstacle à celle de l’agilité. Si tel est le cas, la mise en place de l’agilité ne se résume qu’à un ensemble de pratiques vidées de leurs sens.

Si une organisation empêche ceux qui font d’avoir un pouvoir décisionnel, si elle est centrée sur sa structure et non sur les personnes, si elle inonde le quotidien de ses collaborateurs par des processus lourds, elle répond alors à la complexité de son environnement par une complication de son système. Concrètement, cela peut se matérialiser par une hiérarchie forte, par la nécessité d’écrire quotidiennement de fastidieux comptes-rendus, par la multiplication des règles internes ou encore par la volonté de s’assurer du respect scrupuleux des procédés mis en place. Difficile donc dans cette situation d’évoluer vers l’autonomie et la responsabilisation de chacun des membres de l’organisation – deux éléments clés de la culture agile mais surtout deux éléments indispensables à la performance d’équipe dans un contexte mouvant.

Une transformation agile peut être rendue difficile également par la résistance de certains managers voyant dans l’agilité une perte de leur pouvoir. Cette résistance est une réaction naturelle, elle n’est pas à envisager comme un obstacle mais comme une opportunité pour lancer des discussions permettant de la comprendre et de l’accompagner. C’est aussi l’occasion d’aider les managers à lâcher prise, à changer de posture afin qu’ils soient au service des salariés de l’entreprise en leur permettant de travailler à leur manière, en leur permettant également de décider eux-mêmes de leurs gestes et outils vers un but commun défini par le manager. Celui-ci quitte progressivement un état d’esprit basé sur le contrôle pour apporter de la valeur à ses collaborateurs en les formant en permanence, en cassant les barrières entre les services, en instituant un programme de développement personnel ou, encore, en informant et écoutant les employés.

Il faut aussi avoir en tête que les outils sont plus que jamais perçus comme les marqueurs principaux de la transformation digitale. Le Baromètre Digital Workplace 2018 Ifop nous apporte ainsi de nombreux éléments illustrant la réalité du changement en entreprise : les outils apportent leur lot de freins pour un tiers des collaborateurs. Sont nommés la piètre qualité du réseau informatique pour 33% des collaborateurs et la multiplicité des outils pour 27% d’entre eux. Des handicaps notables quand la transformation vise justement à apporter de nouveaux outils, ou qu’elle demande parfois inversement de réaliser des tâches différentes avec des outils qui n’ont pour leur part pas évolué.

Il faut prendre conscience qu’une transformation Agile vise nécessairement des entreprises qui… ne le sont pas. Aussi volontariste soit-elle, la transformation se heurte ainsi en premier lieux aux lourdeurs pré-existantes, aux millefeuilles administratifs et aux nombreuses procédures de contrôle interne que l’entreprise à empilés durant des années. Ces procédures ont conduit à se doter d’outils et d’applications qui centralisent parfois plus de 70% des tâches des collaborateurs. Le secteur des services n’échappe pas à ce constat. Pour exemple les employés du secteur bancaire, aujourd’hui certainement mieux équipés qu’hier (PC portable, smartphone…), mais qui sont néanmoins moins bien outillés (en termes de qualité et performance des équipements).

La préparation est ici l’atout maître : pour un nouvel outil, enlevez-en deux préalablement et engagez la simplification des process avant d’en imposer de nouveaux. Si la transformation Agile impose de nouvelles saisies, ou par exemple la mise en place d’un reporting interne à une squad, il faut prendre soin de s’assurer que le management intermédiaire n’a pas maintenu ses propres processus et indicateurs. Les collaborateurs doivent toujours avoir la latitude et le temps nécessaire pour prioritairement exercer leur métier. Leur contribution à la mise en œuvre d’une culture Agile n’en sera que plus efficace si elle s’insère dans le travail quotidien, si elle a du sens.

On note trop souvent la volonté de la Direction d’entreprise à vouloir quantifier et mesurer la transformation et ses impacts avant même que l’ensemble de la chaine de production ne soit passée en mode Agile. On demande alors du reporting et des indicateurs en pagaille, alors que les collaborateurs, mêmes « agilisés », ne maitrisent pas l’ensemble de la chaine et se heurtent encore aux goulots d’étranglement qui n’ont pas effectué leur transformation. C’est un biais particulièrement visible lors du passage à l’Agilité des DSI, quand cette évolution se fait sur un héritage IT (applicatif et architectural) complexe : les développeurs et les chefs de projets informatiques se transforment rapidement, avant de se trouver découragés par la lenteur de l’automatisation (des tests à la mise en production) et par la charge de travail dédoublée puisqu’aux cérémonies Agiles s’ajoutent la remontée d’indicateurs et les taches administratives en lien avec « l’ancien monde » (le contrôle interne, les administrateurs des environnements de production et pré-production, l’industrialisation, les architectes réseaux, les RSSI…).

C’est l’agilité collective qui doit être recherchée. La capacité de production peut être un objectif, mais ne doit pas être utilisée comme indicateur de réussite.

Expliquer les avantages de l’agilité et centrer l’approche sur la qualité, non sur la capacité productive

L’important est de produire mieux. Si la vélocité est le prisme par lequel la direction juge de la bonne marche d’une équipe, il y a fort à parier que la qualité et la satisfaction du client seront les grandes perdantes de l’équation. Les conséquences sur le terrain sont terribles : les équipes, persuadées par la gouvernance d’être éternellement en retard, tiennent un rythme difficilement soutenable. Elles s’essoufflent, se fatiguent, s’énervent et se retrouvent incapables de livrer fréquemment de la valeur – soit le but affiché de la culture agile.


La transformation agile doit s’engager à 3 niveaux différents :

1. L’agilité opérationnelle : c’est la capacité à assurer le delivery en agile, aussi bien sur des projets de transformation que sur du run.

2. L’agilité organisationnelle : c’est le passage de l’agilité, de l’échelle du projet à l’échelle du grand programme, voire de toute l’entreprise. C’est tout un écosystème qui évolue en agile. Les équipes collaborent et gèrent leurs dépendances pour livrer fréquemment et assurer la qualité de bout en bout. Cela requiert une réorganisation à plusieurs niveaux : organisation d’équipes, de pilotage budgétaire et de gestion des ressources humaines.

3. L’agilité stratégique : elle se décline à travers la diffusion de l’état d’esprit et des valeurs agiles au sein du middle et du top Management, afin de favoriser l’innovation, l’expérimentation et le droit à l’échec.

 

Le ciment entre ces 3 strates est la culture agile, qui conditionne le succès de la transformation. Il faut d’abord « être agile » avant de « faire agile ».

Pour illustrer l’importance de la culture, utilisons la métaphore de l’iceberg. La maturité d’une organisation agile est perçue à travers sa partie visible, à savoir les processus, méthodes et outils : cérémonies, burndown chart, priorisation par la business value. Mais cette partie visible repose sur un socle indispensable bien qu’invisible : la croyance en des valeurs et habitudes communes comme par exemple l’adaptation au changement, la conversation en face à face, la transparence, la culture de l’expérimentation et du droit à l’échec, l’approche PMV (Produit minimum viable), et l’excellence technique (tests unitaires, intégration continue, refactoring de code, etc.).

Toute transformation agile dépend donc intimement de l’implication de la direction qui doit définir un futur rêvé, partager des objectifs à court terme, incarner les valeurs de la culture agile, porter des convictions, clarifier ses intentions, décrire les bénéfices attendus, limiter les projets en cours, s’assurer de la gestion des dépendances entre équipes, distribuer le pouvoir décisionnel, mesurer l’avancement, montrer la voie, communiquer sur l’avancée du changement, encourager l’effort, miser sur la production de valeur à l’échelle, laisser la place à l’expérimentation, inviter et non imposer. Ces engagements de la direction doivent s’accompagner d’arguments réels, d’autant plus forts qu’ils sont reconnus et appréciés par les collaborateurs travaillant déjà en mode Agile. En voici une liste non- exhaustive :

Adopter une approche bottom-up pour améliorer ses chances de réussite et l’adhésion des collaborateurs

En résumé, pour réussir sa transformation agile, il faut avant tout amorcer un changement de culture et diffuser l’agilité à tous les étages : opérationnel, organisationnel et stratégique. Notre conviction est qu’il est plus facile de transformer par la pratique via une approche bottom-up qui fasse la part-belle aux retours d’expérience des collaborateurs, qui les associe dans l’analyse de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas, et qui parte d’un périmètre restreint avant de se généraliser une fois bien rodée.

1. On mène d’abord des petits projets en agile avant de mener des projets de plus grande ampleur, ce qui permet progressivement de monter en compétences et de diffuser la culture.

2. Puis le passage à l’échelle nécessite une transformation progressive de toute l’entreprise :

      • Réinventer l’organisation des équipes pour pouvoir gérer en agile des activités de plus grande ampleur nécessitant de la coordination inter-équipes
      • Aligner le rythme de la gouvernance budgétaire sur celui du delivery pour favoriser une priorisation collective et améliorer le ROI des projets avec des arbitrages plus réactifs
      • Adapter la fonction RH pour attirer les talents et accompagner les collaborateurs dans leur montée en compétences

Cette mise en oeuvre doit se décliner à tous les étages de l’agilité :

    1. Agilité opérationnelle : sécuriser le delivery via du coaching d’équipes et de l’accompagnement sur les rôles clés tels que Product Owner, Master Product Owner, conduite du changement

    2. Agilité organisationnelle : faciliter le « passage à l’échelle » via la refonte de l’organisation, la mise en place d’un pilotage budgétaire agile et le développement des compétences

    3. Agilité stratégique : coacher les Managers et membres des COMEX pour les aider à adopter une posture de facilitateur et être moins dans le « command & control »
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Pour conclure, réussir l’implémentation de la culture agile au sein d’une organisation demande donc de s’inscrire dans une démarche prenant en compte le contexte de l’entreprise tout en s’employant à donner du sens et définir une identité au service d’un environnement permettant l’engagement, l’autonomie, la confiance et le respect de tous les acteurs de l’organisation. Une démarche qui doit inclure au maximum les collaborateurs pour pouvoir réussir.